Monday, September 27, 2010

PETIT PROGET UTOPIQUE D’HABILITATION DES DÉMUNIS EN HAITI



Résumé
La communauté internationale se prépare à octroyer douze milliards usd d’aide à Haïti. C’est donc le moment rêvé de faire quelque chose pour les masses, qui sont restées trop longtemps misérables par la négligence sociale des gouvernements successifs. Ces masses incultes et désespérées seront incapables d’entrer en compétition avec les agents dynamiques nationaux et étrangers qui vont s’entre-déchirer pour obtenir une part de cette injection massive d’argent. C’est pourquoi nous croyons qu’il est nécessaire de les laisser en dehors de cet amalgame, 1) en élaborant à leur intention un projet spécifique; 2) en consacrant à sa réalisation une partie de cet argent; et 3) en leur laissant la possibilité de gérer leurs propres affaires, sans ingérence gouvernementale.


Avant-propos
Je crois, à l’instar de Thomas Jefferson, qu’il est préférable que les pouvoirs publics minimisent leurs interventions dans les affaires de l’État, laissant aux citoyens le soin de définir eux-mêmes leur destinée. Autrement dit, je me méfie des programmes électoraux mirifiques et des soi-disant plans de restructuration de l’État, qui sont au mieux des tentatives d’induire un gouvernement à s’insinuer de plus en plus dans tous les aspects de la vie du citoyen. Ces types de plans ont historiquement débouché sur le marasme économique, la dictature et la déprime sociale.

Fort heureusement, la Constitution du pays limite les éventuelles visées interventionnistes du chef de l’État en lui accordant (et à dessein) un seul mandat non renouvelable de cinq années. L’action de gouverner est de plus alourdie par toutes sortes de freins, tels que la prise en compte des tracasseries de checks and balances que cette Constitution impose, les incompétences qui entourent le plus souvent un nouveau régime, les essais et erreurs dans la mise en œuvre d’un programme et la recherche perpétuelle de ressources financières. Cette précarité est sans doute aussi la principale raison des tentatives de confiscation du pouvoir pour la vie, en Haïti comme ailleurs. Quoi qu’il en soit, elle ne laisse à un gouvernement que la possibilité de réaliser deux ou trois projets importants.


Le gouvernement est mauvais gestionnaire – probablement parce qu’il administre l’argent des autres. Si on a besoin d’une preuve de son incompétence, il suffit pour s’en convaincre de regarder les conditions de vie des masses. En revanche, les citoyens sont tout à fait aptes à gérer leurs propres affaires et à prospérer, si on leur en donne les moyens. Pourquoi? Parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Comme il est impossible d’empêcher un gouvernement de s’immiscer à fond dans les affaires des citoyens, en particulier dans un pays où les pauvres attendent toujours la venue d’un sauveur, nous souhaitons que son intervention, s’inspirant du petit projet d’habilitation présenté dans ces pages, vise cette fois à leur donner des moyens de changer eux-mêmes leur vie.

Introduction
Le Petit Projet utopique d’habilitation des masses démunies que je propose au pays (ci-après le petit projet, le projet, le projet d’habilitation) est un projet original qui peut être réalisé en l’espace d’un mandat présidentiel et qui a, comme on va le voir, des ramifications positives considérables sur l’ensemble de la société. En un mot, il vise à remettre entre les mains des masses haïtiennes leur propre destinée.

S’il est utopique parce que, selon les mots de Theodore Monod (1902-2000), il n’a pas encore été essayé, le petit projet est plutôt d’inspiration keynésienne et en conformité avec la théorie économique. Dans tous les cas, je le présente au peuple haïtien et à la solidarité internationale pour les sortir du paradigme des ONG et les amener à prendre conscience, parodiant en cela le premier des utopistes Thomas More, que d’autres types de modèles sont possibles.

La théorie qui sous-tend ce projet étonne par sa simplicité; elle se résume en quelques mots : élever les masses d’un pays, c’est relever l’ensemble de sa société.

Cependant, l’inverse ne fut jamais vrai. C’est pourquoi les efforts de la communauté internationale pour soulager la douleur des pauvres depuis la Guerre n’ont été la plupart du temps qu’autant de coups d’épée dans l’eau.

Pourtant, cette théorie n’est pas nouvelle. Déjà en 1905, Anténor Firmin, dans une note intitulée Monsieur Roosevelt, président des États-Unis, et la République d'Haïti, affirmait : «Dans tous les pays, dans toutes les races, le progrès ne s'effectue, ne devient tangible que lorsque les couches sociales inférieures, qui forment toujours la majorité, tendent à monter en intelligence, en puissance, en dignité et en bien-être. Là où la politique, dite éclairée, ne consiste qu'à perpétuer l'infériorité de ces couches, formant l'assise même de la nation, en exploitant leur ignorance, il n'y a point de progrès possible...»

Ce qui a toujours manqué et que propose le petit projet, c’est un modèle socio-économique capable de saisir l’ensemble des aspirations réalistes des masses.


EST-IL POSSIBLE D’ÉLEVER LES MASSES DÉMUNIES?

Tout d’abord, quelques faits au sujet d’Haïti
Haïti a une population de huit millions d’habitants, dont la moitié est paysanne.

On sait que les trois quarts de cette population, soit six millions de gens, y compris la totalité de la paysannerie, sont pauvres. Disons que les deux millions restants sont non pauvres ou réputés riches.

Nous donnons de ces catégories sociales – riche, non-pauvre et pauvre – une courte définition afin de permettre au lecteur de mieux appréhender ces réalités sociales dans le contexte haïtien.

Le riche est une personne qui a beaucoup de biens, c’est-à-dire une richesse respectable, ainsi qu’un flux régulier de ressources qui lui permet de maintenir ou d’accroître cette richesse. Il est d’habitude très cultivé. En Haïti, on l’appelle un bourgeois, et l’ensemble de ses pareils la bourgeoisie.

Le non-pauvre occupe une échelle sociale qui va d’une certaine opulence à une condition qui est juste au-dessus du seuil de la pauvreté, c’est-à-dire qu’il a une richesse relativement modeste, un flux de revenu permanent et pourrait même avoir un petit capital productif. Il est parfois très instruit. On appelle l’ensemble de ces personnes la classe moyenne. C’est donc une classe sociale très inégale et assez large.

Le pauvre est une personne qui n’a ni richesse ni ressource financière ni instruction ni aucun espoir d’acquérir ces biens. Lui et ses semblables constituent les pauvres; on les appelle aussi les démunis, les masses urbaines ou rurales. On y inclut l’ensemble de la paysannerie, parce que celle-ci est un immense foyer de pauvreté.

Si on compte en moyenne six personnes par famille, soit théoriquement deux adultes et quatre enfants, les six millions de pauvres peuvent être regroupés en un million de familles démunies.

Les mécanismes d’habilitation des démunies
Le projet vise à montrer qu’il est possible d’améliorer considérablement et dans un laps de temps record, soit l’espace d’un mandat présidentiel, la condition de vie de ce million de familles et ce faisant la situation économique et sociale de l’ensemble de la nation.

Que signifie l’expression « améliorer la condition de vie … »?
Elle signifie ceci : prendre des mesures visant à habiliter les personnes démunies à se prendre en charge et à prendre la place qui leur revient dans la société. À cette fin, il convient de faire deux choses étroitement liées ensemble :

1. Octroyer un certain pouvoir d’achat à chaque famille pauvre en lui faisant cadeau d’un montant d’argent. L’objectif de ce don pur et simple est de produire chez elle une incidence psychologique, qu’on peut appeler la confiance en l’avenir; et

2. Veiller à l’alphabétisation des deux adultes de chaque famille (deux millions de personnes) tout en leur dispensant une éducation civique (à définir). Ici nous faisons l’hypothèse que l’État prend déjà en charge l’éducation de l’ensemble des enfants d’âge scolaire.

Ces objectifs peuvent être atteints de la manière suivante, soit par la distribution de 80 mille gourdes à chaque famille pauvre, aux conditions énoncées ci-dessous.

Par conséquent, à raison de 40 gourdes pour 1 usd, chaque famille pauvre (deux adultes et quatre enfants) recevra la somme de 2 mille usd, pour un total de 2 milliards usd (2 000 $ X 1 million).

Utilisation des fonds (voir conclusion c pour une discussion de la provenance possible de ces fonds)
a) Le mouvement coopératif
La totalité des fonds sera gérée par une instance suprême de coopératives d’épargne et de crédit, appelons-la une fédération. (Il est possible de fonder mille coopératives, soit une par 8 mille habitants, et de les doter d’une structure adéquate en l’espace de six mois à une année. Nullement irréaliste)

Le montant alloué à chaque bénéficiaire sera déposé à la coopérative de sa localité, par définition affiliée à la fédération. Ce montant sera inscrit au nom de la mère de famille, sauf dans les cas où le père est le seul chef de famille existant ou connu. Le bénéficiaire pourra commencer à faire des retraits maximums de 8 mille gourdes mensuellement, à partir du treizième mois depuis la date du dépôt de 80 mille gourdes. Pour avoir droit au don de 2000 usd, il doit satisfaire aux conditions suivantes.

1. Devenir immédiatement membre d’une des coopératives de sa localité, afin de pouvoir faire inscrire le montant dans son carnet bancaire;

2. Suivre les cours dispensés par sa coopérative à raison de deux heures par semaine. (L’État assurera le financement de cette éducation pendant les trois premières années. Les matières du cours seront décrites dans un texte distinct; et

3. S’engager à alimenter son compte dans la coopérative, s’il a ou lorsqu’il aura un revenu, en y faisant régulièrement des dépôts.

Avant de continuer ma démonstration, je tiens à liquider d’abord une objection possible de ceux qui verront dans ma proposition d’octroi primitif d’argent aux démunis une tentative de mettre la charrue avant les bœufs. Il n’en est rien, car le montant de deux milliards est véritablement le commencement, mais non la fin du processus d’habilitation; de fait il n’aura été qu’un choc exogène à cette économie haïtienne trop longtemps déprimée, au moyen d’un apport massif d’épargne privée. Ainsi, les fonds transitent dans un premier temps sous la forme de monnaie scripturale dans les comptes d’épargne (non mobilisables à court terme) des personnes démunies, dans le but exprès de provoquer chez ces dernières le regain de confiance évoqué au début de cet exposé.

Le niveau de confiance est un concept clé qu’il ne faut pas sous-estimer en matière de politique publique. Quelle que soit son origine, la confiance peut être un facteur de motivation ou de stimulation. À cet égard, dans un article intitulé « L’impact du foot » publié dans la livraison de juillet 2010 du magasine La Semaine, Bernard Landry, ancien premier ministre du Québec, a fait l’observation suivante : « À travers le monde, des économistes sérieux ont même démontré que lorsqu’un pays gagne (au foot), son produit intérieur a tendance à s’accroître en raison du regain de confiance des ménages » (c’est moi qui souligne).

Pour en revenir à l’octroi primitif d’argent, je ne compte pas que le montant de deux mille usd pourrait améliorer de façon permanente la condition de vie d’une famille de six. Ce qui l’améliorera, c’est ce qui se passera grâce 1) à l’incidence psychologique que sa possession est appelée à produire sur chaque personne démunie et 2) à l’utilisation macroéconomique qui sera faite de cette épargne.

b) Le placement de cet important montant d’argent
Cet argent (deux milliards usd) qui représente un accroissement net de l’épargne nationale, peut être placé de la manière suivante.

1. Un milliard sera prêté à taux d’intérêt préférentiel à l’État national pour ses travaux d’investissement, à condition que celui-ci procède à une réforme de sa fiscalité visant à garantir le service de sa dette;

2. Cinq cents millions seront consacrés à des prêts agricoles aux paysans à des taux coopératifs préférentiels; n’oublions pas que ces prêts sont entièrement garantis par les dépôts des paysans ni que ces derniers participent à la propriété de l’institution prêteuse;

3. Cinq cents millions serviront à des prêts aux petites et moyennes entreprises existantes et en devenir pour leurs projets d’investissement.

Comme on peut le voir, ces trois types de répartition auront pour vertu de tirer l’État du paradigme de l’aide internationale et de prémunir la société contre la tyrannie des ONG.

Précisons toutefois que, en dehors de ce mode de répartition obligatoire, c’est-à-dire qui sera imposé non par la loi, mais par la charte et les statuts de la coopérative, celle-ci sera habilitée à envisager toute approche jugée avantageuse pour sa prospérité, et les joint ventures seront au cœur de sa stratégie de prêts. Quoi qu’il en soit, on s’attend que l’accent soit toujours mis sur les prêts aux petites industries de transformation, artisanales, agro-alimentaires, etc. Par ailleurs, la coopérative reste la seule instance habilitée à établir les modalités de son fonctionnement en général et de ses prêts en particulier.



LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES

Investissement et création d’emplois
En raison des trois types de prêts susmentionnés – prêts à l’État, prêts aux paysans et prêts aux petits commerçants et artisans –, on s’attend que l’économie reçoive un choc considérable qui devrait se traduire par une augmentation substantielle de l’investissement et de l’emploi.

Rappelons que les récipiendaires de dons seront habilités à faire des prélèvements mensuels à hauteur de dix pour cent du total, soit 200 millions usd, à partir du treizième mois. Cela se traduira par une augmentation appréciable des dépenses de consommation, visant à soutenir la production. Cette demande effective, qui sera d’ailleurs anticipée de mois en mois par les entreprises, devrait résulter en un accroissement soutenu de l’offre de biens et services et de l’emploi. Par conséquent,

1. À titre de producteurs de biens et services, les petites entreprises agricoles, commerciales et industrielles seront des créateurs d’emplois. Dès le commencement du relèvement de la production, elles verront leur situation s’améliorer considérablement.

2. La classe moyenne, où se recrutent les professionnels et les commerçants moyens pourra étendre ses entreprises existantes ou mettre sur pied de nouvelles entreprises, ce qui aura une incidence positive considérable sur l’emploi.

3. Grâce aux dépenses de consommation et d’investissement qu’effectueront les récipiendaires de fonds et la nouvelle cohorte de travailleurs et de petites et moyennes entreprises, la bourgeoisie d’affaire et les exportateurs étrangers, fournisseurs traditionnels de produits de consommation et d’investissement devraient faire des affaires d’or.

4. Pour couronner le tout, l’accroissement des liquidités coopératives, la baisse généralisée du loyer de l’argent qui s’ensuit et la demande effective (la demande anticipée par l’entreprise) devraient favoriser à terme l’accélération des projets d’investissement de l’ensemble des agents économiques.


ALPHABÉTISATION ET ÉDUCATION CIVIQUE

En guise de complément du processus d’habilitation des masses citadines et paysannes, soulignons que leur alphabétisation et leur éducation civique, qui font partie intégrante du projet, devraient avoir des incidences positives majeures sur le climat social dans son ensemble. Car si les investissements favorisent l’emploi de la main-d’œuvre, c’est véritablement le savoir qui accroît son employabilité et sa productivité et par le fait même lui garantit une rémunération plus équitable; c’est aussi l’éducation qui est porteuse du sentiment de dignité, de fierté et d’appartenance; et enfin ce sont certainement l’un et l’autre qui favorisent chez le citoyen le rehaussement des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. (Ce point fait l’objet d’un texte distinct que je compte publier sous peu.)

Synthèse
Dans le but d’offrir une vue d’ensemble des effets d’une distribution de richesse directement aux couches défavorisées, réitérons, à l’intention du lecteur non ferré en économie, notre théorie de départ sous la forme d’une analogie où les trois classes sociales susmentionnées sont comparées, n’en déplaisent à ces messieurs et dames, à trois blocs de ciment de différentes grosseurs, placés l’un au-dessus de l’autre et représentant chacun une de ces classes. À la base de cette superposition se trouve le bloc de plus grande taille, symbolisant les masses; celui du milieu incarne la classe moyenne; et le plus petit bloc, qui représente la bourgeoisie, forme la couche supérieure. Si l’on soulève le bloc supérieur, il s’élèvera tout seul, laissant les deux autres à leur place; en soulevant le bloc du centre, on élève forcément aussi le bloc supérieur, laissant la base reposer toute seule sur le sol; cependant, en soulevant le bloc qui est à la base, on lève du même coup l’ensemble de la pyramide[1].

Et pour les savants, nous ferons ressortir que notre petit projet d’habilitation des masses satisfait au critère de l’optimalité parétienne, en ce sens que tout le monde y trouve son compte, sans que personne y perde quelque chose. Cela, avant même que soit prise en considération la question de l’effet multiplicateur entraîné par le choc de deux milliards d’investissement qu’auront effectués les secteurs public et privé. Et ce n’est pas verser dans un optimisme béat que de dire que cet effet devrait être spectaculaire.

CONCLUSION

a) Le projet est conforme à la théorie économique et il est logique, car il y est question de :
généralisation du pouvoir d’achat,
formation du capital privé,
investissement public,
investissement privé,
création d’emplois
relèvement de la production,
effet multiplicateur et enrichissement national accru,
accroissement de l’offre de biens et de services
élargissement de l’assiette fiscale,
justice sociale,
etc.

b) Les conséquences sont positivement considérables.
Dix mille filles et garçons seraient recrutés immédiatement parmi les centaines de milliers de jeunes diplômés du bac vivant dans le désoeuvrement en vue de la fourniture de l’instruction et de l’éducation civique à deux millions de personnes démunies;

Dès le sixième mois de sa mise en œuvre, le pays commencerait à sortir de sa léthargie;

Grâce à leurs 80 mille gourdes d’épargne de précaution, chaque famille pauvre aurait l’espoir d’un jour meilleur et serait incitée à participer à l’effort d’alphabétisation et d’éducation civique avec enthousiasme.

Des centaines de milliers de familles paysannes auraient accès à des prêts agricoles pour la réalisation de leur projet d’accroissement de la production des denrées de vie, ce qui leur garantirait des revenus accrus.

Des milliers de familles de la classe moyenne pourraient trouver des prêts pour la rénovation de leurs maisons en conformité avec des normes publiques d’hygiène et de sécurité, aux fins de location à des touristes en quête de prix modique, créant ainsi une multitude d’emplois pour eux-mêmes et les autres;

Des centaines de milliers de gens ayant de bonnes idées trouveraient des ressources financières pour faire valoir leur créativité et devenir eux-mêmes des employeurs.

Somme toute, grâce au choc initial de deux milliards usd, la taille du PIB total devrait presque décupler d’ici 2025 (ce chiffre est basé sur un taux de croissance moyen estimé à environ 12 % l’an), tandis que, selon toutes les prévisions démographiques sur Haïti, sa population totale sera de vingt-cinq millions d’ici là, c’est-à-dire qu’elle n’aura que triplé par rapport au chiffre de huit millions retenu ici. Cela implique que le petit projet aura atteint son objectif, qui est de tirer le peuple haïtien de la pauvreté de façon permanente.

c) Le projet coûte un sixième seulement des fonds de la reconstruction
L’aide internationale est logiquement destinée aux démunis des pays pauvres. Autrement, pourquoi les contribuables américains, canadiens, français, etc. voudraient-ils subventionner la construction d’infrastructure à l’usage des riches des pays pauvres? Les pauvres n’ayant pas de voitures et vivant à hauteur de plus de cinquante pour cent à la campagne, pourquoi l’aide devrait-elle servir à la construction de routes, de ponts, d’hôtels-Dieu? Employer l’aide de cette façon, n’est-ce pas détourner les fonds destinés à six millions de démunis?

Il n’est un secret pour personne maintenant que la communauté internationale est prête à consacrer douze milliards usd à la reconstruction d’Haïti. Or, comme je viens tout juste de le montrer, cette somme colossale sera dépensée dans des projets qui n’ont rien à voir avec les démunis. On n’est même pas certain que la poignée d’ouvriers qualifiés dans cette économie caractérisée par un nombre pléthorique de chômeurs non qualifiés trouvera des emplois permanents. On sait que la concurrence sera féroce entre les agents économiques nationaux et étrangers, qui voudront se tailler une part respectable du gâteau, et que des masses incultes et sans qualification n’ont aucune chance de tirer leur épingle du jeu. C’est d’ailleurs cette incapacité de concurrencer les agents dynamiques qui fait que les démunis continuent de patauger dans la misère, en dépit des efforts de la communauté internationale pour améliorer leur sort. Bref, il y a fort à parier que, au terme de la soi-disant reconstruction, les masses urbaines et paysannes seront restées aussi démunies qu’elles le sont à l’heure actuelle.

C’est pour toutes ces raisons que le projet réclame pour les six millions de pauvres un sixième ou deux milliards de cette injection massive d’argent. Cela pourrait être considéré comme un dédommagement pour les externalités négatives, sans contrepartie, dont ils pâtiront sous forme de renchérissement de la vie, d’accroissement de la pollution, etc. Ce sera leur seule chance de construire quelque chose pour eux-mêmes et leurs descendants. Et ce sera justice.



[1] J’ai entendu cette analogie pour la première fois, alors que je n’avais même pas encore atteint l’âge de l’adolescence, de la bouche d’un leader politique haïtien du nom de Daniel Fignolé.

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